« Je peins pour l’heure une grande image de l’enfer… » (1)
La première guerre mondiale a marqué un tournant particulièrement douloureux de l’histoire de l’Humanité. La perte de millions d’hommes, fauchés en pleine jeunesse, l’usage industriel de l’armement mécanique, la violence barbare à l’état pur, la souffrance et la misère. Misère des hommes au front, livrés à la dictature de l’état-major, misère des familles à l’arrière. L’Idée Libre, comme la Raison sont largement revenus sur ces faits.
Il semble que la civilisation se soit donnée en spectacle : Pour Paul Valéry : « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles » (2), pendant que Kurt Pinthus intitule en 1920 son anthologie de la poésie expressionniste allemande Le Crépuscule de l’Humanité (3).
Les grands changements artistiques ont eu lieu avant guerre et se poursuivront pendant et après elle avec l’abstraction, le dadaïsme, le surréalisme… En musique, avec les afro-américains, le jazz pénétrera en Europe.
Il nous a semblé intéressant de voir comment ont évolué les artistes durant cette période. Beaucoup ont été enrôlés, comme des millions d’autres, et comme des millions d’autres, ils y ont laissé leur vie. Blaise Cendrars y a laissé une main. D’autres ont tenu à s’engager, Apollinaire comme artilleur ou Max Beckmancomme infirmier. D’autres, comme Matisse ont vu leur demande d’engagement refusée parce que trop âgés. D’autres n’y ont pas participé, comme Pablo Picasso, Espagnol issu d’un pays neutre. Certains artistes ont été embauchés par l’état-major pour mettre leur art au service du camouflage et de la contre-information. Au total, peu d’artistes sous l’uniforme ont produit durant le conflit, et même ont pu, par la suite, représenter ce qu’ils avaient vécus. L’horreur est indicible. Clovis Trouille attendra 1930 pour peindre Remembrance. Quelques exceptions cependant ont produit des œuvres majeures : Otto Dix, Fernand léger, George Grosz, Marcel Gromaire, pour n’en citer que quelques uns parmi les plus connus.
Nous ne nous sommes pas arrêtés à la peinture, évidemment. La littérature a largement rendu compte de ce conflit : Henri Barbusse, Gabriel Chevallier, Erich-Maria Remarque, Rolland Dorgeles, et bien d’autres. La musique, enfin, dont nous n’avons retenu que le débarquement du jazz en Europe.
Enfin, le 7ème Art, terme inventé par Ricciotto Canudo en 1919, le cinéma, a apporté sa pierre. Un film, presque oublié, et qui a été l’occasion d’une implication formidable des combattants eux-mêmes nous a semblé mériter un article : le J’Accuse d’Abel Gance.
(1) George Grosz -commentaire de son tableau « Dédicace à Oskar Panizza » (1917)
(2) La Crise de l’Esprit (avril 1919) in The Atheneum
(3) Die Menscheitsdämmerung
A noter : Ce numéro contient un cahier couleur représentant un choix d’oeuvres de cette période.