
L’année 1848 est une année exceptionnelle à tous égards. Un grand cru, en quelque sorte, un millésime rare.
Le vieil ordre pourri du Traité de Vienne en 1815, de la Sainte-Alliance, qui avait voulu faire rendre gorge aux peuples et à la Révolution de 1789 et qui y était arrivé, qui avait tenu son maillage malgré les accrocs, ce vieil ordre éclate et comme une traînée de poudre (l’image a été souvent utilisée) les capitales s’insurgent, les unes après les autres, de Paris à Buda et Pest, pas encore Budapest.
C’est un monde neuf qui surgit de cette révolution ininterrompue, marquant ici, comme en Allemagne, le choix définitif de la bourgeoisie contre l’émancipation, mais surtout les conditions du monde moderne. 1848 est incontestablement une année charnière.
« Le bonheur est une idée neuve en Europe » avait dit en son temps le Montagnard Saint-Just. 1848 est, aussi, l’année des idées neuves et la diffusion, simultanée, du Manifeste du Parti Communiste est tout sauf le produit du hasard. Cette année marque aussi, et là non plus ce n’est pas fortuit, une défaite du cléricalisme. C’est contre les idées et les hommes de 1848 que Pie IX va rédiger le Syllabus.
Et si certaines poussées sont écrasées, c’est l’Histoire dans son déroulement qui va montrer en quoi ces défaites n’étaient que provisoires : la République arrivera en Allemagne, quand même, par exemple.
Devant l’accumulation de faits, d’événements, de décisions, de personnages illustres, notre revue a dû procéder à un choix, souvent difficile. Toujours critiquable… Mais les pages de L’Idée Libre ne sont pas illimitées … Il nous faudra certainement consacrer un numéro à Garibaldi, par exemple.
Nous avons fait appel aux spécialistes reconnus de cette période et nous les remercions chaleureusement pour leur participation de qualité, digne sur tous les points de la revue que nous voulons.
Dans ce panorama du Printemps des Peuples, comme est appelé à juste titre, le cycle des Révolutions de cette année 1848, nous avons porté notre attention sur la place que les libre-penseurs ont tenu et elle n’est pas mince. Depuis la fondation des premiers cercles de libre pensée organisée jusqu’à l’abolition de l’esclavage signée par le libre-penseur Schoelcher en passant par Blanqui, « L’Enfermé », auteur de l’immortelle formule « Ni Dieu ni maitre » et par l’immense Victor Hugo, comment ne pas les saluer, ne pas les honorer, ne pas leur rendre justice et continuer en 2018, dans d’autres conditions historiques, leur activité de 1848.
Jean-Marc Schiappa
